LENG HONG
Après Shanghai où il est né en 1955 et avant Montréal où il a déménagé en 1992, Bordeaux a permis à Leng Hong de remporter plusieurs prix et de faire connaître son art au travers d’émissions de télévision. Dans son travail, Leng Hong reflète une affinité avec la culture traditionnelle chinoise, tout en intégrant des éléments des traditions occidentales, c’est ainsi qu’il est considéré comme un lien entre orient et occident.
Alors qu’il vient de réaliser une fresque pour l’exposition universelle de Shanghai en 2010, la minuscule exposition qu’il propose à Mérignac aura peut-être permis de faire découvrir et apprécier son oeuvre à un plus grand nombre, mais également de lancer cette association créée en juillet 2009, qui se veut révélatrice de nouveaux talents.
L’ARTISTE
Parcours
Leng Hong est né à Shanghaï, en 1955.
En 1978, il est diplômé du département des arts de la Shanghaï Theatre Academy, la prestigieuse université publique d’art de la ville. De 1978 à 1986, il est chercheur et Professeur de peinture traditionnelle à la Shanghaï Chinese Painting Academy.
En 1986, afin de continuer ses recherches artistiques et de s’ouvrir à l’art occidental, il part pour l’Europe et choisit Bordeaux où séjourne un de ses amis physicien, étudiant à l’Université de Bordeaux 1. Aussitôt, il se sent en lien avec cette ville où il rencontre beaucoup d’admirateurs et d’amis. Il travaille et vit dans la capitale girondine jusqu’en 1992.
En 1992 il choisit d’aller vivre et travailler à Montréal au Canada. Depuis 2006, l’artiste partage son temps entre le Canada et sa ville natale où il a un atelier et où il est Professeur invité à la Fine Art College of Shanghaï University.
Bordeaux (1986-1992) fut une étape essentielle dans le parcours de Leng Hong.
Depuis, il a acquis partout en Asie une très grande aura. Des critiques d’art très respectés en Chine parlent de lui comme d’un artiste unique, celui dont la recherche constante est de mettre en relation la peinture traditionnelle chinoise et la peinture occidentale.
Son désir d’exposer à Bordeaux est une belle façon d’exprimer à nouveau sa philosophie de passeur.
« Peindre les paysages du corps ou peindre la peau des rêves c’est toujours dessiner son paysage intérieur. »
Leng Hong
Leng Hong est l’un des grands peintres de l’art contemporain chinois. Il représente le renouveau de l’art chinois dans les années 80. Son travail est depuis très régulièrement exposé en Chine, mais aussi à l’international.
Son style
Sa brillante utilisation de la juxtaposition de deux perspectives expressionnistes à plusieurs nuances sur un seul et même tableau, donne une magistrale profondeur tridimensionnelle à son travail. En ajoutant de la poudre de marbre à son huile, Leng Hong développe un fort aspect de texture dans ses peintures construites par couches multiples. L’artiste complète son utilisation d’une surface plane avec un important clair obscur créant une profondeur jouant avec l’ombre et la lumière.
Dans ce jeu de peinture, il se concentre sur les effets produits par la composition et les couleurs, créant ainsi des éléments vus presque comme des motifs calligraphiques.
Son inspiration
Son travail est profondément marqué par sa culture chinoise et il mélange à cette récurrente référence son propre monde intime, émotionnel et sensible. Il instaure un dialogue poétique où les couleurs tertiaires et références de l’ancienne histoire chinoise sont ingénieusement contrebalancées par un traitement expressionniste. Il intègre des éléments de la tradition occidentale à sa culture chinoise, notamment par la forte influence de l’expressionnisme européen, ainsi que du cubisme ou bien ses réinventions de la nature morte, visibles partout dans son travail. Ses oeuvres deviennent un mélange d’images poétiques où un tableau seul peut fusionner plusieurs scènes de la même histoire. Son travail est un véritable pont entre images concrètes et images abstraites.
Leng Hong est un artiste très présent sur la scène internationale, ainsi que dans les salles de vente.
ENTRETIEN AVEC LENG HONG
En Chine pendant vos études aux Beaux-Arts, vous avez travaillé surtout sur la peinture traditionnelle chinoise. Cependant très jeune vous avez copié des aquarelles de « style anglais ». Nous connaissons ensuite votre remarquable parcours au cours duquel vous arrivez en France en 1986. Pourquoi ?
« Je viens en France au début pour voir, pas pour rester. J’avais des conditions de travail très avantageuses en Chine. Je n’avais pas de soucis. Mais cela ne suffit pas et connaître l’art oriental, la peinture traditionnelle chinoise, ce n’est pas connaître l’Art. En Chine, on commençait à parler beaucoup de l’art occidental. Ce qui m’intéressait avant tout, c’était une démarche de recherche, c’était d’aller à la rencontre de la richesse de ces pays dans le domaine de l’art. Il faut connaître “l’autre côté”. Plus je connais l’art occidental, plus je connais l’art oriental. C’est lié. Cela m’a enrichi. »
Avez-vous découvert tout seul les grands courants de la peinture tels le fauvisme, l’impressionnisme, le cubisme… ?
« Nous avions accès à des livres de reproductions d’oeuvres occidentales. Mais la seule chose qui me manquait avant les années 70, c’était de pouvoir voir des oeuvres occidentales originales, exposées. »
Était-il vital pour vous de vous confronter à cette autre culture pour rompre avec la thématique toujours un peu répétitive de l’art chinois et pour laisser la place à votre imagination et à l’inattendu ?
« Des expositions de toiles occidentales ne débuteront qu’au début des années 80. C’est en me confrontant à ces oeuvres que j’ai ressenti le désir et la nécessité de sortir de Chine afin de découvrir plus ».
Quels sont les peintres qui, selon vous, ont ou ont eu une influence sur votre travail ?
« Il y a une longue liste d’artistes “influents” dont la trace est ineffaçable. Mais pour l’essentiel, je pense à Picasso, Matisse et Giotto que j’adore. »
Enfin, comment analysez-vous aujourd’hui vos sources d’inspiration, avec en particulier, l’apparition des personnages mis en scènes ?
« Avant 1986, je peignais déjà des personnages. La raison de mon arrêt de la peinture de ces sujets est que je voulais continuer à rechercher de nouveaux “outils” pour pouvoir mieux m’exprimer. Aujourd’hui, lorsque je traite de personnages cela m’amène dans un état d’esprit inattendu, je fais de nouvelles découvertes lors de ma création et avec l’ expérience acquise depuis ces années, l’apparition des images sur la toile montre quelque chose d’universel, abolit les frontières… »
Revenons à votre arrivée en France, pourquoi Bordeaux ?
« Au début, c’est un hasard. J’avais un ami physicien qui étudiait à Bordeaux. Il m’a proposé de m’inscrire à Bordeaux III pour apprendre le français. Je continuais à peindre. J’ai eu la chance de connaître des amis qui m’ont fait rencontrer leurs amis, pour certains collectionneurs, galeristes. C’était vraiment ma chance. J’ai exposé à Bordeaux et lors de manifestations culturelles dans la région et c’est aussi durant cette période (1986-1992) que j’ai commencé à exposer en Allemagne, à New York, au Japon, à Hong Kong, Singapour, mais pas en Chine. Je n’ai commencé à le faire qu’en 1999. »
Qu’est-ce que Bordeaux vous a apporté ?
« Quand je suis arrivé à Bordeaux, où je resterai 6 ans, il m’a fallu avant tout “chercher” car j’avais la sensation que je n’arrivais pas à “parler”. C’est ainsi qu’à mes débuts, j’ai peint plusieurs bâtisses chinoises, c’était un moment où je trouvais ce sujet plus facile comme moyen d’expression ; plus tard, j’ai appris le français, à connaître la ville ; j’ai découvert les paysages et c’est naturellement que ces images occidentales se sont imprégnées en moi, m’ont influencé, inspiré pour finalement s’imposer dans ma peinture et puis, tout se mélange… »
Peut-on dire qu’à Bordeaux votre univers pictural est multiple, nourri de la confrontation avec les formes plastiques occidentales et européennes, mais qu’il est aussi fait d’images toujours figuratives, poétiques et oniriques.
« Oui, c’est tout à fait ça. »
Et Montréal, où vous vivez aujourd’hui ?
« J’y suis arrivé en 1992. J’ai commencé à participer à des expositions dans plusieurs pays. Sans passeport européen par exemple, c’était compliqué. Il arrivait souvent que j’obtienne le visa après la date de mon vernissage… Le Canada, avec Montréal, cette autre ville multiculturelle, au brassage “ethnique” assumé, m’a amené vers une autre vision de l’Occident, cette fois plus “américaine”. Ses espaces, ses immensités m’ont donné comme une respiration, un sentiment d’ouverture et de liberté. »
À ce moment de votre cheminement artistique, il semble évident que vous mettez au point une nouvelle écriture rompant avec un réel si prégnant dans votre peinture depuis votre formation classique chinoise. Vous élaborez alors un nouveau rapport à la toile, une nouvelle manière de fusionner le spectateur avec l’espace de ses tableaux.
« Oui et c’est la raison pour laquelle à cette époque j’ai ressenti la nécessité d’utiliser des grands formats en créant et cela est nouveau, des polyptyques avec une nette préférence pour les diptyques et les triptyques. »
Que ressentez-vous aujourd’hui, alors que vous êtes en Occident depuis plus de vingt ans même si aujourd’hui vous faites de nombreux et longs séjours en Chine ?
« Aujourd’hui, j’ai l’impression que j’ai beaucoup de choses à dire, je commence à m’exprimer de façon plus libérée, plus spontanée et sans penser avec quel langage, sans me soucier que peut-être ce que je “dis” pourrait ne pas être compris par les autres.
Une chose est claire, chaque oeuvre reflète le cheminement d’un artiste. Je sais qu’il y a une chose principale : plus j’avance, plus mon langage s’élargit, et s’enrichit de cette double culture, orient-occident. Mes oeuvres cherchent continuellement leur univers, leur espace… Mettre en mots notre pensée est toujours une découverte intéressante : tout existe déjà, mais l’artiste lui-même ne l’a pas encore ressenti. C’est pour cela que sa quête est infinie et jamais aboutie. »
Entretien réalisé en français en mai 2010.